Une Encyclopédie des " écrits de vie"
- Encyclopedia of Life Writing. Autobiographical and
Biographical Forms, edited by Margaretta Jolly, London, Chicago,
Fitzroy Dearborn Publishers, 2001, 2 volumes, 1090 p.
Cette encyclopédie, unique en son genre, qui couvre tous les
types d'écriture autobiographique ou biographique, et tous les
domaines linguistiques,
a été présentée dans La
Faute à Rousseau
, n° 30, juin 2002, p. 6-8, par Corine Pourtau, dans un article ici
reproduit
avec son autorisation.
Vous
pourrez ensuite lire la lettre A
de l'Index : la liste des articles vous donnera une
idée
des champs couverts.
Corine
Pourtau, présentation
de l’Encyclopedia of Life Writing
(La
Faute à Rousseau,
n° 30, juin 2002)
Dans
La
Faute à Rousseau
n° 22, d’octobre 1999, Margaretta Jolly nous présentait son
projet d’Encyclopédie
des écrits de vie,
dont la publication en Angleterre était prévue pour
2000. Le résultat s’est fait attendre une année
supplémentaire, mais quel résultat ! 1090 pages en deux
volumes (très) grand format, quelque 700 entrées, la
contribution de plus de 300 auteurs du monde entier et de 35
conseillers scientifiques, pour un ouvrage particulièrement
novateur dans sa conception et son approche à la fois
internationale et interdisciplinaire.
Une encyclopédie qui s’inscrit dans une tradition …
Écrire la vie, la sienne ou celle d’un autre, ce n’est pas
nouveau. Établir la somme de ces écrits, non plus.
Margaretta Jolly retrace,
dans son ouvrage, l’historique des dictionnaires biographiques à
travers
le monde et consacre quelques entrées à certains d’entre
eux
en particulier. Les premiers « véritables »
dictionnaires apparaissent en langue arabe au Xe siècle : le Kitab
al-tabaqat al-kabir –
en huit volumes déjà –, consacré à la vie
de religieux, le Tabaqat
fuhul al-shu’ara’,
à celle de
poètes. En Europe, bien avant les hagiographies
médiévales, des ouvrages comme Les
Vies
de Plutarque peuvent être lus comme les ancêtres de ces
encyclopédies biographiques.
C’est à partir du XVIIIe siècle que les dictionnaires
biographiques trouveront leur forme moderne, mais leur champ s’en
tiendra le plus souvent aux biographies des personnalités qui
ont marqué la vie sociale, religieuse ou politique, la
littérature, les arts ou les sciences, et ne sera abordé
que dans une perspective éducative ou historique. L’Angleterre,
puis – sur le modèle de son Dictionary of National Biography –
les autres pays anglophones auront vite leur ouvrage de
référence. La France, quant à elle, attendra le
XIXe pour mettre en œuvre une Biographie
universelle,
puis une Nouvelle
biographie universelle …
Mais rares sont les études qui offrent des entrées
thématiques ou qui proposent matière à une
réflexion transversale. La biographie reste le genre «
noble », même si le XVIIIe siècle voit
l’émergence de l’autobiographie, des journaux intimes et de la
correspondance comme objets de la critique littéraire.
… pour un corpus compris autrement
C’est entre autre sur la question du choix du corpus que
l’encyclopédie dirigée par Margaretta Jolly se montre
à la fois plus riche et plus originale. Son champ n’est plus
celui de la simple biographie, mais de l’auto et/ou biographie,
comprise le plus largement possible : tous les « écrits de
vie » sont recevables, pourvu que leur «
authenticité » soit patente. Pas d’auteurs d’autofictions,
donc, ni de textes « qui en [prendraient] trop à leur aise
avec le pacte autobiographique » (Margaretta Jolly, Faute
à Rousseau
n° 22).
Biographies y trouvent bien sûr leur place, autobiographies
également, mais encore correspondance, récits de voyages,
poésie autobiographique, élégies, apologies,
journaux intimes, confessions, mémoires, épitaphes,
généalogie, hagiographies, ainsi que des écrits
liés fortement à un contexte historique ou sociologique :
récits
de guerre, récits de l’Holocauste, vies de criminels,
écrits
de vie d’homosexuels, écrits de prisonniers, témoignages,
etc.
avec des entrées par noms d’auteurs, genres, ou
thématique…
Corpus protéiforme, que même un chausse-pied ne
parviendrait pas à faire entrer dans une classification stricto
sensu, et c’est bien le plus réjouissant ! L’objectif de
Margaretta Jolly n’est d’ailleurs pas de le réduire à une
définition « courte et définitive ». D’abord
parce que ce ne serait pas souhaitable et parce que le corpus
présenté, pour vaste et riche qu’il soit,
n’est pas exhaustif. Ensuite parce que c’est une matière
vivante, évolutive,
comme les vies qu’il donne à voir, un domaine ouvert encore, et
relativement
nouveau pour le milieu universitaire… D’où le terme choisi de Life
Writing,
qui offre l’acception la plus large, et permet d’inclure des
formes et des genres différents, relatifs à sa propre vie
aussi
bien qu’à celle des autres. C’est en français
l’expression
« écrits de vie » qui semble correspondre le mieux
à
Life Writing, le moins restrictif et le moins connotatif d’un “canon“.
C’est
néanmoins avec des entrées comme « Africa : Oral
Life
Stories », « Artifacts and Life Writing », «
Film
», « Orality », « Photography » (Afrique
:
les récits de vie oraux ; objets/insignes et écrits de
vie
; film ; oralité ; photographie), que l’on touche du doigt la
difficulté
à rassembler sous un même terme générique la
multitude
des formes que prend la vie pour se dire, s’écrire, se mettre en
scène
!
Une approche internationale et historique
« Une encyclopédie est forcément un animal
conservateur, voué à refléter l’état des
choses dans un domaine donné. […] Certes, les lecteurs sont
contents d’y faire au passage des découvertes, mais ils seraient
frustrés de ne pas y trouver les repères attendus »
(Margaretta Jolly, Faute
à Rousseau
n°
22). C’est pourquoi l’encyclopédie s’applique à
offrir une vue générale – en synchronie et en diachronie
–
des genres, des thèmes, des auteurs, des tendances… De
L’Antiquité grecque et romaine, à l’Europe moderne, en
passant par la période Heian au Japon, l’Italie
médiévale, les États-Unis du XXe siècle…
L’encyclopédie jette un pont alphabétique d’un millier de
pages entre notre Abélard (et sa chère
Héloïse), et Carl Zuckmayer, dramaturge et autobiographe
allemand contemporain.
On se doute que les choix ont été cruciaux (Pourquoi ce
pays et pas cet autre ? Cet écrivain ? Pourquoi le cardinal de
Richelieu, en tant qu’autobiographe, a-t-il eu droit à une
entrée, qui a été refusée à
Katherine Mansfield et son journal ?) et on peut regretter que
l’orientation du propos fasse une part meilleure à la culture
occidentale et plus particulièrement anglo-américaine,
mais il suffit de regarder l’index chronologique et celui des
pays/régions du monde pour juger du caractère
excessivement foisonnant et vivace des écrits de vie à
travers le temps et l’espace et de l’érudition des nombreux
spécialistes qui nous ont rendu ce foisonnement palpable.
Transversalité et interdisciplinarité
Si l’étude des écrits de vie est restée longtemps
le domaine de la critique littéraire et de l’histoire, le XXe
siècle a vu se développer des approches transversales, et
la théologie, la sociologie, l’anthropologie, la psychologie,
même les sciences biologiques, se sont penchées sur eux.
C’est le second point particulièrement original et novateur de
cette encyclopédie. Le champ y est aussi abordé de
façon interdisciplinaire (« anthropologie et écrits
de vie », « postcolonialisme », « confucianisme
et écrits de vie », « ethnographie », «
émigration, diaspora et écrits de vie », «
philosophie et écrits de vie », « autobiographies de
musiciens », « récits d’esclaves », etc.). La
déclinaison des préoccupations communes à
différentes époques et différentes cultures y est
mise en valeur (« enfance et écrits de vie »,
« maternité et écrits de vie », «
suicide et écrits de vie », « sexualité et
écrits de vie », « censure et écrits de vie
», « la
mémoire », etc.). Enfin, une réflexion est ouverte
sur
les rapports des écrits de vie avec des pratiques limitrophes
telles
l’autofiction, la tradition orale, l’interview, la
généalogie, l’écriture des horoscopes, les
ouvrages d’éthique, le roman d’apprentissage, le roman
picaresque…
Une bonne maison que cette maison-là !
Feuilleter l’Encyclopédie
des écrits de vie,
au fond, c’est comme flâner dans une belle maison aristocratique
du XVIIIe siècle. On sait pertinemment qu’on y trouvera le
« nec », et encore façon haut de gamme,
l’esthétique en « ultra », le bon goût, tous
les couverts en argent et le délicat service de Sèvres ou
de Worcester pour le thé de l’après-midi. Mais on sait
aussi qu’au détour d’un long couloir, on poussera la porte du
Cabinet de curiosités du maître de maison. Et là,
on pourra s’attendre à tout et se laisser surprendre !
Dans le Cabinet de curiosités de Margaretta Jolly, on apprend
que le Che a été diariste, que Barnum, le fondateur du
cirque, a
écrit son autobiographie, que les chants folkloriques lettoniens
sont
appréhendés comme l’histoire de vie de la
communauté, que la duchesse de Newcastel (XVIIe siècle)
fut la première femme en Angleterre a avoir fait publier son
autobiographie et que le
Who’s Who est
désormais disponible sur CD-ROM.
Quelle bonne maison, cette maison-là…
Index (lettre A)
de
l’Encyclopedia of Life Writing
Abélard,
Peter and Héloïse
Adams,
Henry
Addams,
Jane
Adolescence
and Life Writing
Africa
: North
Africa
: East
Africa
: Southern
Africa
: West and Central (Francophone)
Africa
: Oral Life Stories
Africa
: European Exploration and Travel Writings
Africa
: Auto/biographical Fiction
Africa
: Autobiographical Poetry
African
American Life Writing
Age
and Life Writing
Agee,
James
Agency
Aksakov,
Sergei
Akutagawa,
Ryūnosuke
Alfieri,
Vittorio
American
Civil War Writings
Amiel,
Henri-Frédéric
Andersch,
Alfred
Angelou,
Maya
Anthropology
and Life Writing
Apartheid
and Post-Apartheid Life Writings
Apologias
Arabic
Autobiography
Arabic
Biography
Arabic
Travel Writing
Archives
Arenas,
Reinaldo
Arnim,
Bettina Brentano-von
Artifacts
and Life Writing
Asian
American Life Writing
Aubrey,
John
Augustine,
Saint
Aung
San Suu Kyi
Aurelius,
Marcus
Australia
: 18th- and 19th-Century Auto/biography
Australia
: 18th- and 19th-C. Diaries and Letters
Australia
: 20th Century Life-Writing
Australia
: Indigenous Life Writing
Australian
Dictionnary of Biography
Authenticity
Authority
Autobiography
: General Survey
Autobiography
and Biography : Their Relationship
Autobiography
and the Essay
Autobiography
and Poetry
Autoethnography
Autofiction
Avvakum