Les journaux spirituels en France

du XVIe au XVIIIe siècle


article publié dans Les Problématiques de l’autobiographie,
n° 33 de Littérales (Université Paris X-Nanterre), 2004, p. 63-85.

 

La recherche dont je présente aujourd’hui les grandes lignes porte sur l’intersection de deux ensembles :

1) la forme « journal », définie comme une série de traces datées, c’est-à-dire une pratique de notations qui s’étend dans le temps : une notation unique, comme le Mémorial de Blaise Pascal, daté du 23 novembre 1654 « depuis environ dix heures jusques environ minuit », n’est pas à proprement parler un journal ;

2) l’écriture spirituelle, qui traite des rapports de l’homme avec Dieu.

Ma démarche risque de paraître réductrice : c’est coucher l’immensité des écritures spirituelles (que l’on pense à la série touffue des volumes de l’abbé Brémond sur L’Histoire littéraire du sentiment religieux en France) sur le lit de Procuste de la forme « journal ».

Pour limitée qu’elle soit, cette démarche est néanmoins éclairante, parce qu’elle pose deux problèmes importants :

a) du point de vue de l’écriture spirituelle : dans quelle mesure l’écriture d’un journal peut-elle aider au salut de l’âme ? Le journal est-il du côté de Dieu ou du côté du Diable ? Peut-on conseiller à quelqu’un d’en tenir un ? Faut-il que le journal soit surveillé, c’est-à-dire encadré par une direction de conscience ? Et que doit-il contenir ?

Les réponses à ces questions, on le verra, ont pu varier selon les confessions et selon les époques.

b) du point de vue du journal et de son histoire : quel rôle le journal spirituel a-t-il joué dans le développement de la pratique du journal ? Faut-il le considérer comme origine du journal intime qui est apparu un peu partout en Europe à la fin du XVIIIe siècle ? Si la religion a eu une influence sur l’apparition d’une écriture intime, est-ce par le biais du journal spirituel, ou par d’autres voies ? En d’autres termes, le journal intime est-il fils ou cousin du journal spirituel ? Les facteurs historiques qui ont transformé la notion de personne et l’expression individuelle à la fin du XVIIIe siècle ont-ils agi à la fois sur la religion et sur les pratiques d’écriture ordinaire ?

Je tourne à dessein la question dans tous les sens. Georges Gusdorf et d’autres m’ont reproché d’avoir minimisé les origines religieuses des écritures du moi. Sensible à ce reproche, j’ai voulu aller sur le terrain voir ce qu’il en était. Ce qui m’amène à ajouter une troisième intersection pour définir l’objet de mon étude :

3) « en France » : Georges Gusdorf me reprochait aussi, dans les notes véhémentes de son beau livre, de ne pas savoir l’allemand. C’est un de mes grands regrets. Mais sa remarque m’a conduit à penser que mon manque de sensibilité à l’origine religieuse de l’écriture autobiographique tenait peut-être, autant qu’à un préjugé personnel, à une situation nationale. Essayez de trouver dans une bibliothèque, pour la période classique (XVIe-XVIIIe siècle) un journal spirituel écrit en langue française qui ait été publié à l’époque : vous n’en trouverez aucun. Essayez même d’en trouver qui ait été publié plus tard : vous n’en trouverez pratiquement pas. En Allemagne ou en Angleterre, la situation est bien différente.

On peut certes se demander si, pour l’époque classique, le critère de la langue nationale a un sens : dans ce domaine, c’est plutôt la distinction des confessions et des ordres religieux qui importe. Et puis les grands ordres, comme la Compagnie de Jésus, sont des organisations internationales. Cela est vrai. Mais il est vrai aussi qu’il existe des cultures nationales. Dans le domaine que j’étudie – le journal personnel –, l’écart entre la France et l’Angleterre (pour prendre un pays dont je connais la langue) est important : la France a plus d’un siècle de retard, les pratiques qui sont habituelles en Angleterre depuis le milieu du XVIIe siècle ne s’installent en France que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Me voici donc à l’intersection de ces trois champs, journal, écriture spirituelle, France, au seuil d’une enquête qui ne fait que commencer, et que je ne suis peut-être pas le mieux qualifié pour mener. Non seulement je ne lis pas l’allemand, mais en français même l’écriture spirituelle me paraît souvent une langue étrangère. J’en ai fait l’aveu naguère, quand j’étudiais les journaux de jeunes filles du XIXe siècle (Le Moi des demoiselles, Seuil, 1993, p. 39) :

 

15 décembre 1991

Problèmes des journaux spirituels : je peine à les lire, ou plutôt à les survoler. Même problème avec les biographies exemplaires dans lesquelles ils sont souvent sertis. Je n’arrive pas à croire qu’on ait pu sérieusement écrire tout cela, et le consommer… J’ai parlé, dans un moment d’exaspération, de langue de bois. D’autres fois, je suis convaincu de mon indignité, et je vois cela plutôt comme une algèbre. Dieu, Incarnation, Trinité, etc., me semblent simplement être une série de x, y ou z. Il y a des gens qui arrivent à communiquer entre eux par cette algèbre, langage tout à fait abstrait mais efficace qui gouverne leur rapport aux autres, à eux-mêmes et au monde. Moi je n’y vois goutte, et tout finit par me sembler, comme à la fin des équations, égal à zéro. Alors que j’arrive à m’intéresser à des gens qui notent la couleur du ciel, ou leur emploi du temps de la journée…

Le problème est de savoir si le discours religieux est le grand modèle de l’écriture diariste, même chez ceux qui ne croient plus. C’est mon débat avec Georges Gusdorf qui est en jeu. Savoir si le journal intime, comme il dit, descend du ciel…

 

Après avoir reconnu ses limites, il faut s’arracher à ses problèmes personnels. Je m’aperçois que je n’ai pas commenté une quatrième intersection, pourtant annoncée dans mon titre :

4) « jusqu’à la fin du XVIIIe siècle » : car tout change de manière spectaculaire en France à partir du début du XIXe siècle, et plus précisément à partir de 1814 quand la religion catholique revient en force et prend en main l’éducation du pays. Au XIXe siècle se multiplient les journaux spirituels encouragés, encadrés et souvent publiés par des directeurs de conscience. C’est souvent le fait de jeunes filles ou de femmes. Limitée jusqu’à la fin du XVIIIe siècle aux fondateurs d’ordres religieux ou à des personnes à la spiritualité exceptionnelle, la pratique devient alors beaucoup plus commune, et elle est donnée en exemple dans des publications édifiantes.

Et du côté des origines, avant le début du XVIe siècle ? Je renverrai sur ce point au livre que j’ai publié avec Catherine Bogaert, Un journal à soi. Histoire d’une pratique (Textuel, 2003, p. 24-25 et 56-59) en rappelant seulement l’essentiel. L’idée d’écrire ses péchés pour préparer ses confessions, et pour s’empêcher de commettre des choses qu’on aurait honte de dire, vient de saint Antoine (IVe siècle). On peut donc le baptiser père du journal spirituel, si l’on veut, quoiqu’il ne s’agisse que de la branche « répressive » de cette pratique, non de sa branche « mystique ». Ces notes sommaires, de toute façon, ne pouvaient ni s’écrire discrètement, ni se conserver longtemps, faute d’un support adéquat. Jusqu’au XVe siècle, les écritures ordinaires ont été confiées aux tablettes de cire, encombrantes et éphémères. C’est l’arrivée du papier en Europe qui a réellement permis le démarrage du journal comme pratique générale à partir du XVe siècle : livres de bord des bateaux, comptabilité des entreprises, journaux de voyage, chroniques historiques, livres de famille, etc. Loin d’être à l’origine de cette éclosion du journal à l’orée des temps modernes, la variété « spirituelle » a été l’une des dernières à apparaître, au moment de la Contre-Réforme.


Où chercher ?

Il y a quatre grandes pistes :

1) Les textes publiés : c’est un long travail, à partir des instruments bibliographiques ordinaires, d’une somme comme celle de l’abbé Brémond, et surtout du Dictionnaire de spiritualité. Une équipe d’historiens de l’université Paris-IV (Centre Roland Mousnier) a entrepris en 2003 de faire l’inventaire de tous les « écrits du for privé » publiés ou inédits de la fin du Moyen Âge jusqu’en 1914. Ce travail, qui va s’étaler sur de longues années, sera décisif pour une étude comme celle-ci.

Un autre problème est de bien percevoir ce qu’a été la diffusion réelle des textes. Prenons un exemple : le Mémorial (1542-1545) de Pierre Favre (1506-1546) : il en existe seize copies manuscrites, actuellement disséminées dans diverses bibliothèques en Europe, ce qui est le signe d’une diffusion interne réelle à l’époque dans le cadre de la Compagnie de Jésus ; mais il a été publié pour la première fois, dans le latin et l’espagnol originaux, en 1853, et traduit en français en 1959 par Michel de Certeau : éditions « historiques » tardives sans grande influence extérieure. Même remarque pour le journal spirituel d’Ignace de Loyola (1544-1545) – ou ce qu’il en reste (il en refusa la lecture à son biographe Louis Gonçalvès de Câmara), qui ne fut publié qu’en 1934 (et traduit en français en 1960).

2) Les textes cités : il arrive que les journaux spirituels soient utilisés comme matériaux dans des biographies pieuses publiées peu de temps après la mort de religieux ou de religieuses à la vie exemplaire. L’inconvénient est que seuls de brefs fragments sont cités, choisis souvent dans une perspective d’édification qui gomme le particulier. Mais ces citations attestent l’existence de ces journaux, qui sont parfois globalement décrits par le biographe. Et il s’agit de la diffusion immédiate, contemporaine, d’un modèle de piété à travers une pratique d’écriture.

3) Les textes inédits (ou les manuscrits inédits de textes partiellement publiés ou cités). Le plus évident est de les chercher dans les archives des communautés religieuses. J’ai travaillé pour l’instant aux archives de Saint-Sulpice et aux archives des Jésuites. Différents accidents historiques font que souvent ces archives ne contiennent pas de documents antérieurs à la fin du XVIIIe siècle. Les Jésuites ont été supprimés en France en 1762 et n’ont repris leurs activités qu’en 1814, sous la direction de Clorivière – mais leurs archives avaient été dispersées. Sous la Révolution, les papiers de la plupart des ordres religieux ont été détruits : la bibliothèque du Saulchoir, par exemple, n’a plus que « quelques épaves misérables » des dominicains de jadis. Il faudrait néanmoins passer systématiquement en revue les différents ordres, comme le fera sans doute l’enquête des historiens de Paris-IV.

L’absence, pour les textes publiés, est irréfutable ; pour les textes inédits, elle ne permet pas de conclusion définitive. Comme en archéologie, tout reste possible… D’autre part, même si ces archives n’avaient pas été détruites ou dispersées, on n’y aurait pas trouvé des textes qui, pourtant, ont peut-être bel et bien existé : car des journaux intimes ou personnels ont pu être écrits pour soi, ou à la demande d’un directeur de conscience, et être ensuite supprimés.

4) Les témoignages indirects : on peut néanmoins penser que même si les produits de cette pratique du journal ont disparu, son existence peut être attestée indirectement de deux manières : par des passages prescriptifs ou prohibants dans les traités de piété ; par des mentions ou commentaires dans des correspondances liées à une direction spirituelle.

Sans entrer dans le détail, je vais dresser un panorama de ce que j’ai trouvé jusqu’à présent concernant les pratiques catholiques laïques, cléricales ou mystiques et les pratiques protestantes.


Les pratiques catholiques laïques

Il faut éviter de se faire, d’après quelques cas exceptionnels, une fausse idée de la place du journal dans la vie spirituelle catholique en France à l’époque classique. Je n’ai encore trouvé aucun journal spirituel de laïque, et très peu de religieux.

Les Exercices spirituels (1548) d’Ignace de Loyola sont étrangers à l’univers du journal. Ce sont des exercices mentaux, qui ne passent jamais par l’écriture, et, en principe, ne laissent pas de traces. Seule exception, pour l’examen particulier, au début, Ignace de Loyola reprend la technique traditionnelle du « cochage » des péchés : c’est le degré zéro de l’écriture, puisqu’il s’agit de marquer chaque péché par un trait sur une ligne, et qu’une fois la comparaison faite d’un jour à l’autre, ce papier n’est pas destiné à être conservé. Pour l’examen général, aucune mention n’est faite de l’écriture, pas plus que dans toute la suite des exercices. Ceux-ci se développent dans le cadre d’une relation pédagogique orale avec un directeur de conscience, qui « donne » progressivement les exercices à faire, suit et infléchit leur développement. Le texte même des Exercices spirituels est une sorte de « livre du maître » que l’exercitant n’a pas à connaître. Trois siècles plus tard, la psychanalyse freudienne passera par des chemins analogues, écartant l’analysant de la lecture des textes théoriques, disqualifiant l’écriture comme résistance, et misant tout sur la parole et le transfert.

Mais Ignace lui-même et ses premiers compagnons ont, par ailleurs, tenu des journaux, sous les formes les plus variées (voir ci-après). Il semble que, dans l’univers catholique, l’écriture soit plutôt déconseillée aux profanes et aux laïques, et qu’elle ne devienne acceptable que dans le cadre de la formation « professionnelle » des religieux (noviciat, retraites, etc.)

Si l’on regarde les guides de vie spirituelle publiés à l’époque, on n’y trouve aucune incitation à tenir un journal, ni même à se servir de l’écriture pour accompagner ou soutenir son effort vers Dieu. Écrire n’est pas au programme. J’ai consulté : Gabriel Du Préau, De la connaissance de soi-même pour parvenir à celle de Dieu (1559), saint François de Sales, Introduction à la vie dévote (1609), Jean-Jacques Olier, La Journée chrétienne (1655), Jean-Joseph Surin, Guide spirituel (1661), Pierre de Saint-Romuald, Journal spirituel (1667), Madame Guyon, Le Moyen court (1685). L’un de ces guides, celui de Pierre de Saint-Romuald, donne même des indications en sens contraire. Dans ses « Advis pour se garder de certaines tromperies » (op. cit., p. 335-339), plusieurs remarques semblent tomber à plein sur les dangers qui pourraient naître de la pratique du journal, du côté de l’orgueil ou de la complaisance à soi. Le Diable tirant les ficelles, un journal deviendrait occasion de péché. Voici en particulier les tromperies n° 7, 11, 13 et 17 :

 

7. Ne s’enorgueillir point, ni ne se confier pas vainement en soi-même, si on jouit de quelques douceurs et consolations sensibles en l’oraison : car elles peuvent naître de trois endroits : 1. Du Saint Esprit ; 2. De l’excellence de la matière ; 3. De Satan, qui donne quelquefois de grandes tendresses de cœur aux hérétiques, jusque même à jeter des larmes quand ils lisent la Sainte Bible, ou des Fables.

 

11. Prier pour se mortifier, et se mortifier pour prier ; bref prendre la prière pour moyen d’en mieux observer les commandements de Dieu (but auquel tout chrétien doit tendre principalement) et non pas prier pour le goût qu’on peut prendre en tel exercice.

 

13. Ne dire à personne les faveurs qu’on reçoit de Dieu : car outre que c’est sottise et vanité, on court risque encore de perdre tout à fait la dévotion, et ces mêmes faveurs. Quand du parfum est éventé, il ne sent plus bon.

 

17. Ne considérer pas les exercices spirituels, comme sujets à quelque exercice ou art ; mais s’en servir seulement comme de moyens ou dispositions pour faire ce qu’on doit avec plus d’ordre, et au reste mettre toute sa confiance en Dieu, et en l’assistance du St-Esprit.

 

Il est tentant d’opposer ces mises en garde aux incitations directes à tenir un journal qu’on trouve à la même époque dans certains traités de piété en Angleterre : celui de John Beadle, The Journal or Diary of a Thankful Christian (Londres, 1656) ou celui d’Isaac Ambrose, Prima, the First Things in Reference to the Middle and Last Things (Londres, 1654). Isaac Ambrose paie même de sa personne puisqu’après avoir fait l’éloge du journal (ci-dessous), il donnera en exemple trois semaines du sien (13-31 mai 1641) !

 

To this purpose we read of many Ancients that were accustomed to keep Diaries or Day-books of their actions, and out of them to take an account of their lives : Such a Register (of God’s dealings towards him, and of his dealings towards God in main things) the Lord put into a poor Creatures Heart to keep in the year 1641. Ever since which time he hath continued it, and once a year purposes (by God’s Grace) to examine himself by it ; the use and end of it is this :

1 Hereby he observes something of God to his soul, and of his soul to God – 2 Upon occasion he pours out his Soul to God in Prayer accordingly, and either is humbled or thankful – 3 He considers how it is with him in respect of time past, and if he hath profited, in Grace, to find out the means whereby he hath profited, that he may make more constant use of such means ; or wherein he hath decayed, to observe by what Temptation he has overcome, that his former errors may make him more wary for the future.

Besides many other uses, as his own Experiences, and Evidences, which he may (by the Lord’s help) gather out of his Diary.

 

Elisabeth Bourcier, dans son livre sur Les Journaux privés en Angleterre de 1600 à 1660, cite des dizaines de journaux spirituels, dont les manuscrits nous sont restés ou dont des extraits ont été publiés à l’époque dans les biographies pieuses. Les conseils de John Beadle et d’Isaac Ambrose formalisent une pratique courante, en insistant sur le rôle pédagogique de la relecture.

Rien de tel en France, où l’écriture solitaire est vue comme pleine de risques. Quand, au XIXe siècle, le catholicisme français aura changé d’attitude et conseillera le journal, ce sera sous haute surveillance, en intégrant le journal à la direction de conscience. Celle-ci, au XVIIe siècle, quand elle passait par l’écriture, en faisait un usage fort différent, même si les correspondances spirituelles avaient la régularité d’un journal. D’une part, la personne guidée échappait à elle-même en anticipant le regard du directeur auquel elle demandait conseil ; d’autre part elle se détachait de ce qu’elle écrivait puisqu’elle envoyait ses lettres, ne conservant que la série des réponses. Ce qui explique, d’ailleurs, que nous connaissions surtout cette pratique par des lettres de directeurs de conscience : ceux-ci, en revanche, gardaient rarement les lettres de leurs correspondants. Les lettres de direction spirituelle auxquelles nous avons aujourd’hui accès par l’édition (celle de Gaston de Renty, Jean-Jacques Olier, Madame Guyon, Jean-Pierre Caussade, par exemple) ont un trait commun : jamais le directeur ne conseille de tenir un journal, ou de pratiquer une écriture autre que celle de la lettre. C’est vers l’oraison qu’ils tournent systématiquement leurs disciples. Le but est de se détacher complètement de soi. Les lettres elles-mêmes, dans lesquelles s’expriment doutes ou scrupules, sont vues comme des faiblesses, pardonnables et utiles, certes, puisqu’elles demandent secours, mais il est clair que si la personne menait de tels épluchages de soi dans la solitude, elle se perdrait. « Ne vous retournez pas sur vous-même pour éplucher ce que vous avez fait », écrit Madame Guyon au jeune marquis de Fénelon en 1716. Écoutons-la développer ce leitmotiv, s’adressant cette fois à un autre disciple, Otto Homfeld (Correspondance, tome I, Champion, 2003, p. 698) :

 

Vous me demandez ce que j’ai voulu vous dire par ces expressions de laisser tomber les réflexions et de tenir le cœur au large. Ce que je veux dire est que nous sommes naturellement portés à la réflexion, ce qui empêche et trouble beaucoup la paix de notre âme. On veut voir, connaître, et sentir ce qu’on fait ; si c’est quelque chose d’imparfait, il est à craindre d’en être troublé et découragé ; si c’est quelque chose de bon, la présomption excite notre esprit comme malgré nous. Et quoiqu’on n’y consente pas, cela ne laisse pas de ternir la glace pure de notre esprit, qui, comme un miroir, doit être dégagé de ces deux haleines, de la tristesse et de la complaisance en soi-même, afin que Dieu S’y présente au naturel.

 

Le journal serait donc une buée.

Mais ne peut-il pas être bon qu’une telle buée s’exprime, comme elle le fait dans la lettre, pour dégager l’âme ? Et n’est-il pas possible qu’un individu, solidement encadré par une institution, soit capable d’autoformation, c’est-à-dire joue vis-à-vis de lui-même le rôle du directeur spirituel ? – En somme, que le journal soit une bouée ?


Les pratiques catholiques cléricales

Sans doute le journal spirituel a-t-il deux faces : l’une « morale ou psychologique », où l’attention à soi risque de déraper vers la complaisance ; l’autre « mystique », où l’attention à Dieu entraîne l’individu débarrassé de lui-même vers les sommets. De fait tous les journaux spirituels dont il reste des traces appartiennent à la seconde catégorie, et sont le fait de « professionnels ». On les connaît essentiellement par des biographies pieuses et des publications posthumes. Je vais en donner quatre exemples.

Est-il possible d’écrire ses exercices spirituels ? Oui, mais ce sera alors, semble-t-il, dans un but pédagogique plus que personnel. Nous avons un point de repère, un siècle après Loyola, avec les écrits spirituels du père jésuite Claude La Colombière (1641-1682), dont on a publié, deux ans après sa mort (1684), quatre volumes de sermons, un volume de Réflexions chrétiennes et surtout un volume intitulé La Retraite spirituelle, qui contient les notes d’une retraite de quatre semaines faite à Lyon en 1674 sur le schéma des Exercices de Loyola, puis des notes de retraites éparses entre 1674 et 1677. Il ne s’agit pas d’un journal continu : il n’écrit qu’à l’occasion des retraites, dans le cadre « préformé » des Exercices. Il ne s’agit pas non plus d’un journal « personnel », puisqu’au fond le but des exercices est de renoncer à soi. C’est plutôt un exemple, donné en modèle. Ces textes, admirablement écrits, ont un accent personnel qui facilite l’identification, sans avoir vraiment de contenu personnel, qui détournerait l’attention vers leur auteur : ils ouvrent une voie agréable à la dépersonnalisation. Le message lié à leur publication n’est pas : « Soutenez-vous par l’écriture dans votre trajet vers Dieu, tenez un journal pour vous améliorer », mais « Faites les exercices spirituels comme moi, je les ai écrits non pour vous apprendre à écrire, mais à prier ».

Sans doute plus proche des pratiques moyennes fut le jésuite Julien Maunoir (1606-1683), dont le biographe, le père Boschet, a évoqué les journaux de jeunesse. « Missionnaire » en Bretagne, Julien Maunoir a accompli un grand nombre de conversions et de miracles. Son biographe travaille d’abord sur une copie du Journal, exécutée par un proche, puis se rend à Quimper pour vérifier sur le manuscrit original, et interroger par la même occasion les témoins des miracles. La partie la plus suivie du journal semble correspondre aux trois années de noviciat à Paris, à laquelle Maunoir lui-même avait donné un titre, De la perfection. J’en donne à lire ci-dessous le seul fragment auquel le biographe ait conservé sa forme originale de journal daté – car le plus souvent ces biographies traitent les journaux comme des réservoirs où puiser des pensées pieuses regroupées thématiquement.

 

Rien ne nous apprend mieux à quel degré de sainteté ce jeune homme en était dès lors, que les Mémoires que nous avons en forme de journal, où il a marqué ce qui s’était passé entre Dieu et lui durant son cours de Philosophie, qui était alors de trois ans.

Voici quelques articles de ce journal capables de nous faire admirer tout à la fois la bonté infinie de Dieu qui prend plaisir à se communiquer aux âmes pures, humbles et fidèles ; et le courage de ces grands âmes qui pour répondre aux divines faveurs qu’elles reçoivent, s’offrent à tout faire et à tout souffrir, ne connaissant plus d’autre plaisir, d’autre intérêt, ni d’autre gloire que le plaisir, l’intérêt et la gloire de Dieu.

 

Le vendredi de l’octave du Saint Sacrement, écrit Maunoir, comme je revenais du jubé, j’eus une vue intérieure, qui me montra l’état où mon âme était alors, et celui où elle avait été dans le monde : il y avait une grande différence de l’une à l’autre. Ensuite une lumière me fit connaître que celle vue-là me venait de Dieu, et je fus pénétré de ce sentiment. Que Dieu est bon ! qu’il est infiniment bon ! sur quoi je récitai le cantique de la sainte Vierge, Magnificat anima mea dominum.

Le jeudi dernier jour de la même octave j’eus une connaissance très nette, très vive et très profonde, que toutes les choses de ce monde sont vaines, et ne durent guère ; que Dieu seul est éternel ; que ceux-là seulement le posséderont dans le ciel, qui l’auront possédé sur la terre. Là-dessus indigné contre les gens du monde, je sentais une forte envie d’invectiver contre eux ; et je dis tout transporté : Le monde sera-t-il toujours assez fou pour s’attacher à ce qui passe, et pour abandonner Dieu qui ne passe point ? Peu de temps après je fus saisi d’une douleur et d’une contrition très grande : il me semblait qu’on me la mettait dans le cœur.

Le 15 de juillet je me sentis pressé d’un violent désir de souffrir quelque chose pour Dieu : il me semble que j’aurais su bon gré à celui qui m’aurait fait souffrir. J’avais l’âme embrasée de l’amour de Dieu et j’en brûlai tout ce jour-là. En lisant les paroles de saint Jean, Celui qui demeure en la charité, demeure en Dieu et Dieu demeure en lui, je fus rempli d’une grande douceur, et je me sentis plus ferme que jamais dans la résolution d’aimer Dieu. Comme je me demandais à moi-même ce que c’était qu’aimer Dieu, il m’apprit que c’était observer sa parole. Je lui promis que je méditerais chaque jour de la vie ses volontés, et que je les accomplirais jusqu’à la mort.

Le même jour, comme je servais une seconde messe, je fus saisi tout à coup d’une grande crainte d’offenser Dieu, et je fis cette prière avec beaucoup de ferveur, Mon Dieu si je suis en vôtre grâce et si vous prévoyez que je dois la perdre par un péché mortel, et je crois que j’ajoutai, ou vous offenser par un péché véniel, je vous prie de m’envoyer plutôt la mort, quand je devrais être au purgatoire jusqu’à la fin du monde. Ensuite je désirai beaucoup de mourir pour éviter le danger où me met ma propre faiblesse, et maintenant que j’écris j’ai une grande connaissance et un grand sentiment de mon indignité.

Je demandai à Dieu le jour suivant étant en classe, qu’il me remplît de sa crainte, et je m’en trouvai tout à coup si saisi, que si cela eût duré plus longtemps, ç’eût été de quoi me faire mourir.

La veille de saint Ignace il me prit une forte envie de commencer à servir Dieu. Je sentis soudainement s’élever en moi un désir passionné de reconnaître ses bienfaits, de le bénir comme l’auteur et le dispensateur de toutes les grâces, et il me sembla que ma vie était trop courte pour cela : ce désir me revient à cinq ou six reprises, et je l’avais déjà eu d’autres fois. Or de tels mouvements, qui nous pressent ainsi de servir Dieu, sont de très grandes grâces.

À mesure qu’on avance dans ce journal, on trouve toujours des choses plus merveilleuses, Dieu augmentant de plus en plus ses grâces et Maunoir sa fidélité et sa correspondance.

 

Un siècle plus tard, la biographie du capucin Ambroise de Lombez (1709-1778) est rédigée pour moitié à partir d’un « précieux manuscrit », où « cet admirable ascète avait tracé tout le plan de sa vie mystique : il le portait habituellement sur lui ». Différentes indications permettent de comprendre qu’il s’agissait d’un journal ou mémorial daté – mais nous ne pouvons en lire que des extraits classés par thèmes. Le biographe, de plus, s’excuse sur l’imperfection stylistique et pose le problème de l’édition de ces textes privés :

 

Si le lecteur trouve peu d’ordre dans les matières, quelques négligences de style, peut-être même certains détails trop minutieux, qu’il fasse attention que notre Père n’eut jamais le dessein de rendre public les secrets de sa vie intérieure et cachée ; il n’écrivait que pour lui seul ; et quand on ne travaille que pour soi-même, et dans l’ordre du salut, s’embarrasse-t-on beaucoup de donner de la délicatesse et de l’élégance à ce qu’on fait : on s’attache bien plus à l’utile qu’aux ornements, et le cœur a bien plus de part à l’ouvrage que l’esprit, les lumières que l’on reçoit du Ciel, que celles qu’on peut avoir acquis dans l’étude des Sciences et des beaux Arts.

 

Où sont aujourd’hui les manuscrits de Claude La Colombière, de Julien Maunoir, d’Ambroise de Lombez ? Nous avons la chance, pour la fin du XVIIIe siècle, de pouvoir consulter les journaux originaux du jésuite Pierre de Clorivière (1735-1820). On se rend bien compte qu’il ne s’agit pas d’une initiative individuelle, mais d’une pratique inculquée, donc probablement commune. Les journaux et textes divers tenus par ce jésuite entre 1763 et 1773 font visiblement partie d’un système de formation. Il se trouve que Clorivière, refondateur des Jésuites en France en 1814, a pu nous laisser ses archives – alors que les pratiques analogues d’autres jésuites du XVIIIe siècle ont dû disparaître. Ces pratiques devaient être courantes dans la formation des religieux, et ce sont elles qui ont été, au début du XIXe siècle, « laïcisées », si je puis dire, c’est-à-dire étendues à la formation des adolescents dans les établissements d’enseignement religieux. Les écrits spirituels de Clorivière (édités en 1935) comportent donc toute une batterie d’exercices, dont le journal n’est qu’un élément : Résolutions, Comptes de conscience, Programme de vie, Retraites, Manifestations de conscience (adressées à des directeurs), Journal. En ce qui concerne le journal, l’éditeur analyse ainsi son système :

 

On remarquera trois expressions différentes dont se sert le Père de Clorivière dans ses notes personnelles : tantôt c’est le Journal spirituel, tantôt le Journal d’oraison, tantôt le Journal de conscience. Le Journal d’oraison est celui où il consigne le sujet de son oraison, les résolutions qu’il y prend, les grâces qu’il y reçoit ; le Journal de conscience contient le contenu de ses victoires et de ses faiblesses ; le Journal spirituel est l’ensemble des deux premiers lorsqu’ils ne sont pas tenus séparément.

 

La première page du Journal spirituel tenu de septembre à décembre 1770 est reproduite dans Un journal à soi (op. cit., p. 58-59), on en trouvera ci-dessous les deux premières entrées (9 et 10 septembre) traduites en français (Clorivière, en formation à Bruxelles pour aller exercer en Angleterre, écrit en anglais, les jésuites ayant été supprimés en France en 1762). Ces notes commencent par le positif et le programmatif : sujet (à méditer) ; vertu ; résolution ; grâces, puis enchaînent avec le négatif et le rétrospectif – examen de conscience des manquements de la journée. La résolution donne lieu à une comptabilité inspirée par celle des « examens particuliers », mais orientée vers le positif : Clorivière coche sur une ligne le nombre d’actes exécutés, à comparer avec le nombre d’actes promis.

 

Septembre 1770

Vanité dans les paroles. Trop grande négligence dans la surveillance de ma langue.

Sensualité. J’ai cédé à un mouvement d’humeur propre ; étant intérieurement irrité contre quelqu’un et content d’entendre les autres parler mal de lui.

10. Sujet : Parabole du Semeur.

Vertu : une fidèle correspondance aux inspirations divines.

Résolution : dix actes de recueillement et de dépendance au Christ. Dans la matinée [12] ; autant dans l’après-midi [10]. Grâces : paix, dévouement, silence.

Quoique au milieu des distractions je sois resté suffisamment recueilli, je n’ai cependant pas été assez soucieux de parler de choses pieuses, comme l’édification le demandait, puisque je me trouvais avec des Frères sortant du noviciat.

 

Pour conclure sur ces pratiques cléricales du journal spirituel, ce qui est frappant est qu’elles n’ont jamais, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, débordé dans la société laïque, qu’elles ont été cantonnées et cachées dans l’espace religieux – ce qui est encore plus vrai de ce que je vais appeler les pratiques extraordinaires.

 

Les pratiques catholiques extraordinaires

Ce sont des exceptions, ou plutôt des séries d’exceptions, liées à la fondation d’un ordre religieux, à des moments d’invention et de violence, à des aventures mystiques brûlantes – quand des individus prennent des initiatives inouïes, qui n’ont pas vraiment de modèles en amont, et ne serviront guère de modèle en aval. Les journaux écrits dans ces circonstances sont différents les uns des autres, sans régularité aucune. Ce sont, d’une certaine manière, des phénomènes uniques, des « monstres ». Il y a eu, à ma connaissance, deux « noyaux » : la fondation de la Compagnie de Jésus au XVIe siècle, la fondation de Saint-Sulpice au XVIIe siècle.

Michel de Certeau, dans son édition du journal de Pierre Favre (op. cit., p. 82, note 1), donne une liste de sept journaux tenus par les premiers jésuites en affirmant qu’ils sont tous conformes au même type, que voici :

 

Étroitement lié à la conception ignatienne de l’examen, le journal exprime sous forme de discussion avec soi-même le dialogue avec Dieu : en reconnaissant dans son action le « mouvement » de Dieu, l’apôtre collabore de mieux en mieux à l’Œuvre que lui indique sa propre « vocation », et discerne en lui les résistances qui s’opposent encore à l’activité créatrice de Dieu.

 

J’ai lu pour l’instant trois de ces sept « journaux » (ceux d’Ignace de Loyola, de Pierre Favre et de Jérôme Nadal), et j’ai été plutôt sensible à leurs dissemblances. Le modèle que décrit Michel de Certeau, c’est celui du journal de Pierre Favre, dont il présente une édition commentée, et qu’il projette sur les autres. Voici le « programme » de ce journal, tel que ses premières lignes le fixent (15 juin 1542) :

 

En 1542, au jour octave du Corps du Christ notre Seigneur, entra en moi un désir particulier de commencer désormais ce que j’ai omis de faire jusqu’à présent, par pure négligence et paresse : écrire, pour en garder le souvenir, quelques-unes des grâces que le Seigneur m’aurait données de sa main dans la prière pour m’avertir de la conduite à tenir, ou en vue de la contemplation, du discernement ou de l’action, ou pour toute autre manière de progresser en esprit.

Mais avant d’entrer et d’avancer dans le futur, il me semblait bon de noter certains points de ma vie passée, d’après ce que je me rappelais avoir éprouvé avec une conscience particulière de l’action de grâces, de la contrition, de la compassion ou de tout autre sentiment spirituel que m’aurait inspiré le Seigneur ou enseigné mon bon Ange.

 

Écrit d’abord en espagnol puis en latin, ce journal, dont on ne connaît que des copies, commence donc par une autobiographie, s’étend ensuite sur un an (juin 1542-juillet 1543), est interrompu, puis reprend pour cinq mois en 1545. Dans ces notes prises après la messe, ou le soir, s’exprime (quelquefois par des admonestations à la seconde personne, Favre s’adressant à son âme) tout le travail de perception et d’interprétation des grâces dont il est l’objet. Ce journal, qu’il lui arrive de relire, lui permet, comme il le dit excellemment, « d’entrer et d’avancer dans le futur » : c’est un instrument d’action sur soi, il accompagne un élan. Voici une autre formulation de ce programme (11 octobre 1542) :

 

Après la messe, réfléchissant à ce que je faisais en la disant, il me sembla vraiment important de noter que je devais prier Dieu instamment : de susciter et de fortifier ma mémoire, afin que je garde le souvenir de chaque exercice spirituel passé, et je devais l’en prier par le mérite de la passion du Christ, qui est notre grand mémorial ; 2. de me donner une intelligence attentive aux exercices que j’étais en train d’accomplir ; 3. une volonté qui désire les exercices à venir. Non que ces trois facultés se séparent en de telles actions, mais la mémoire a en vue le passé, l’intelligence le présent, et le désir l’avenir.

 

La fonction des journaux d’Ignace et de Nadal est analogue, mais leur allure bien différente. Le journal de Pierre Favre est rédigé de manière à la fois raisonnée et personnelle. Celui d’Ignace est personnel sans être raisonné. Celui de Nadal, raisonné sans être personnel. J’appelle « raisonnée » une démarche qui explicite les situations et développe les analyses de manière à pouvoir être comprise par soi-même plus tard, ou par un lecteur extérieur. J’appelle « personnelle » une démarche datée qui met en scène et en dialogue le mouvement de l’âme. C’est par abus que les Observationes spirituales de Nadal ont été éditées sous le nom de Journal spirituel : elles ne sont pratiquement jamais datées, et le mettent rarement en scène dans son histoire particulière. Fruit de ses oraisons, ces notes, présentées de manière impersonnelle, ont été préparées par lui pour la publication. Le journal d’Ignace de Loyola est absolument l’inverse. Ses deux cahiers, tenus en 1544-1545, au moment où il préparait les Constitutions de la Compagnie de Jésus, et méditait sur le choix de la pauvreté et sur la finalité missionnaire du nouvel Ordre, jamais il n’a voulu les communiquer à personne. C’est le premier exemple d’une écriture totalement intime. Son journal, centré autour de l’expérience quotidienne de la messe, se présente comme un enregistrement minutieux (d’abord explicite, puis remplacé par un système codé d’abréviations et de signes) des larmes versées avant, pendant et après la messe, puis de la loquela (voix intérieure) qu’il entend à ces différents moments : cette voix est chaque fois décrite dans sa quantité et sa qualité, jamais dans son contenu. Le journal ne contient donc aucune idée, réflexion ou information, il est entièrement consacré à une sorte de bulletin de météorologie spirituelle, à usage purement interne. Sa lecture est impressionnante. Il nous fait rêver à l’existence possible d’autres pratiques secrètes qui n’auraient laissé aucune trace. Souvenons-nous que c’est malgré Pascal que nous connaissons son « Mémorial », cousu dans la doublure de ses vêtements. D’autres Ignace, d’autres Blaise ont peut-être noté, puis détruit, leur plus intime dialogue avec Dieu.

Le second « noyau » de journaux qu’on peut observer accompagne la fondation du séminaire de Saint-Sulpice, à Paris, dans les années 1640. Trois journaux seulement cette fois, mais vraiment « monstrueux » de toutes les manières. Il faut les présenter rapidement, car tous sont, pour l’essentiel, inédits et d’accès difficile (les journaux jésuites dont j’ai parlé sont, eux, publiés). D’abord Marie Rousseau (vers 1596-1680), veuve d’un marchand de vin fournisseur de la cour, en dialogue permanent avec la sainte Vierge et inspiratrice de Jean-Jacques Olier (voir ci-dessous) : elle a commencé son journal en 1629, et l’a poursuivi jusqu’en 1656 ou 1657 : il ne nous en reste que la partie médiane, 1640-1649, qui occupe 10096 feuillets regroupés en 13 volumes à la Bibliothèque Nationale (FR 19326-19338). Elle a fait l’objet d’une thèse de troisième cycle (inédite) de Thierry Bourgeois, qui a transcrit l’année 1645 (soit 506 pages, le vingtième de l’ensemble). Sachez que Marie Rousseau, qui tient ce journal sur ordre du père Bataille (elle se brouillera avec lui, et craindra un moment qu’il ne lui rende pas les parties du journal encore en sa possession), écrit rarement elle-même ! Elle dicte à Jean-Jacques Olier ou à Louis Laisné de la Marguerie, qui eux-mêmes ont recours à un copiste : son journal est une ruche, un atelier collectif qui récolte le miel qui tombe de ses lèvres, venant de la sainte Vierge ou de Jésus. Elle a le sentiment d’être une interprète indigne de la parole divine (16 juin 1641) :

 

Quand j’escris ces paroles de mon Jésus, je ne mets qu’un mot pour en dire plus de dix mil, pour les choses qu’on verra arriver et quand l’esprit me revient, et que je reconnaist ce que j’ay escrit. Ah ! quelle honte et ressentiment je ressens, de voir que ce que j’escris n’a rien à l’égal de la justice de Dieu. Mais quand je me remets que c’est pour obéir, alors la honte se perd et puis je recommence.

 

Voici maintenant la même situation, décrite en 1642 Jean-Jacques Olier  (tome II, p. 196-197) :

 

Pendant sept ou huit heures entières elle dit qu’elle n’écrit que la moindre partie de ce qu’elle voit, elle dit un mot qui en exprime seize, bref elle n’écrit rien qui la contente, tant la matière qu’elle laisse surpasse celle qu’elle écrit, ce qui est une marque presque infaillible de ses véritables lumières, et surtout au sujet de la très Sainte Vierge. Et ce qui est encore considérable, c’est la manière dont elle écrit étant toujours quasi hors d’elle et tombant en extase en écrivant. Je suis redevable à mon DIEU de la grâce de l’avoir vue en cet état, de l’avoir vue hors d’elle-même avec des souffrances extrêmes, je l’ai vue se plaignant qu’elle ne voyait goutte pour écrire tant son âme était occupée au-dedans et dérobait ainsi aux sens les facultés nécessaires pour le service de cette âme. Je ne vois point de secrétaire du St Esprit plus assuré dedans l’Église hors de ceux que la foi nous propose, mais pour des Ames particulières il n’y a point de marque de fidélité et de soumission plus grandes que celles qui se remarquent en sa façon d’écrire, elle ne se sert point de son esprit, elle s’abstient d’écrire ce qu’elle doute être de Dieu, elle soumet le tout à son directeur très capable, elle n’écrit que dans l’impétuosité d’un esprit intérieur plus vite et plus fort que le sien qui n’ayant rien d’acquis ne mêle rien avec l’esprit DIVIN, bref c’est une merveille qui n’a rien de semblable.

 

Qu’écrit-elle ainsi ? des visions, des révélations, des prophéties – qui lui permettent en particulier de guider dans sa carrière Jean-Jacques Olier (1608-1657). Celui-ci prend en charge en 1642 la paroisse de Saint-Sulpice, une paroisse perdue qu’il entend réformer (il aura beaucoup de mal : en 1645, une émeute sera organisée contre lui) et crée à Vaugirard un séminaire. Lui-même, qui a été d’abord dirigé par le père de Condren, tient sur ordre du père Bataille, de mars 1642 à février 1652, un journal qui occupe 3045 pages. Ce journal inédit est conservé aux archives de Saint-Sulpice sous la forme de huit volumes reliés. Une transcription dactylographiée intégrale en a été exécutée entre 1965 et 1975 par le père Charles Rabeau. Il commence, comme celui de Pierre Favre, par des récapitulations rétrospectives. Les trois premiers volumes (plus de 1200 pages) couvrent six mois (mars-septembre 1642), les volumes IV à VI couvrent chacun six mois, le volume VII un an et demi et le dernier volume six ans : le rythme se ralentit. Pour l’année 1642, on possède donc environ 2900 pages de Marie Rousseau et 1400 pages de Jean-Jacques Olier – journaux croisés d’une vie en partie commune, puisqu’Olier participe au « secrétariat » d’une prophétesse qui oriente ses décisions. Le troisième journal n’a pas le même statut, c’est celui tenu plus tard par le père de Bretonvilliers (1621-1671), disciple et successeur d’Olier à Saint-Sulpice. Commencé en septembre 1647 sur le conseil d’Olier, il comporte trois volumes. Il est également conservé aux archives de Saint-Sulpice, accompagné d’une copie intégrale faite de son vivant.

Pourquoi ai-je dit plus haut que ces journaux étaient « d’accès difficile » ? Même transcrits (ce qui n’est pas le cas pour l’immensité du journal de Marie Rousseau), ils opposent forte résistance à la lecture, à la fois par leur taille et leur flux torrentueux inégalement contrôlé. Rien de commun avec les journaux des premiers jésuites, concis et maîtrisés. J’ai passé de longues après-midi aux archives de Saint-Sulpice à lire en entier les quatre premiers volumes du journal de Jean-Jacques Olier : je suis probablement le seul non-sulpicien à l’avoir jamais fait. Je connais Marie Rousseau à travers la transcription partielle de Thierry Bourgeois, et une séance de repérages dans ses manuscrits à la Bibliothèque Nationale. Je n’ai fait que jeter un œil sur Bretonvilliers. Voilà l’état de ma science. J’ai dit plus haut, par honnêteté, la distance que j’ai vis-à-vis de l’écriture mystique. Mais la proximité est-elle forcément plus lucide ? Quand je lis les études publiées sur Olier, qui sont en général le fait de sulpiciens, j’ai parfois peine à reconnaître le paysage aperçu dans son Journal. La bonne distance pour parler d’expériences extrêmes est difficile à trouver. J’ai tenu un journal de lecture de mes après-midi sulpiciennes. Je le relis avec embarras : introduit dans une intimité qui n’avait pas prévu ma visite, je dois observer la plus grande réserve. Je propose ici à lire deux fragments de septembre 1642 qui donnent deux « notes » différentes du journal d’Olier : l’une, moins fréquente, celle de l’homme d’action qu’il était, grand réformateur et organisateur, l’autre, plus habituelle, celle de son dialogue familier avec Dieu, dialogue dont il note tous les aller-retour, en distinguant par des caractères spéciaux (ici en gras) les répliques divines.

 

[9 septembre 1642]

À la gloire de Dieu ce mardi matin 9 septembre lendemain de la sainte Nativité de Notre Dame en laquelle notre Seigneur a de coutume comme j’ai marqué ailleurs de commencer toujours ses desseins et ses nouveaux emplois étant en l’oraison je me suis uni si intimement à mon maître qu’il m’a ôté les forces m’attirant tout en lui, et me perdant en sa sainte personne. Après cela il lui a plu de commencer à m’instruire des ordres que j’avais à tenir pour régler la Paroisse et dont la lumière commença dès hier.

1mt je vis comme je devais avoir en chaque rue quelques personnes de piété qui pussent me donner avis de ce qui se passait dans tous les ménages des rues, et en particulier qui me donnassent avis s’il y avait des personnes de mauvaise vie afin d’y donner ordre.

2mt aujourd’hui j’ai vu en l’oraison comme je devais faire assembler sages femmes pour les instruire en premier lieu du baptême en deuxième lieu des entretiens qu’elles doivent avoir avec les accouchées et des sentiments dans lesquels elles doivent les entretenir pendant leur maladie et leur travail qui est un temps très précieux et toutefois très mal employé pour l’ordinaire et sans aucune utilité.

 

[28 septembre 1642]

Cette disposition doit être dans les prêtres qui doivent agir avec force et courage pour faire connaître et honorer la Majesté de DIEU et pour cela il plut dernièrement à la bonté de mon Seigneur de me dire quelques jours après qu’il eut exprimé en moi le saint mystère de sa résurrection, Tu agiras maintenant avec force, de même qu’au sujet de la disposition précédente qui est de l’application à DIEU après m’avoir incité à m’élever à lui, auquel je répondis que pendant le séjour du lit mon directeur m’avait défendu de m’occuper de lui, par sa bonté il me dit Je t’occuperai par moi-même ce qui me perça le cœur et je lui répondais Seigneur vous m’aimez bien, il me disait Hé que veux-tu, mon maître si vous vous adressiez à quelque belle âme mais à moi, il me répondait Je suis amoureux. Mais au sujet de cette force comme je lui représentais que j’étais faible de corps pour le servir et surtout du poumon pour le prêcher il me répondait je te donnerai double force et un double poumon je n’entendais point ce mot et cela s’entendait qu’il me fortifierait le poumon, non seulement pour prêcher, mais aussi pour aimer, et porter les effets de son amour qui sont souvent violents et l’altèrent sans la miséricorde de DIEU. J’entendis le lendemain que c’était là le sens de ces paroles, lorsqu’il plut à sa bonté d’ajouter Prépare-toi à l’amour ce qui me toucha fort.

 

Les pratiques protestantes

J’ai toujours cru le protestantisme plus propice à l’expression personnelle que le catholicisme : à preuve le formidable développement du journal puritain en Angleterre au XVIIe siècle et la littérature piétiste dans l’Allemagne du XVIIIe siècle. Je le crois toujours. Mais le danger serait d’étendre ce raisonnement à un pays où le protestantisme était minoritaire et menacé : en France, à l’époque classique, il n’existe à ma connaissance aucun journal spirituel protestant. Danger peut-être, aussi, de ne pas distinguer entre les différentes branches du protestantisme. Toujours est-il qu’avant la révocation de l’édit de Nantes, les protestants français ont écrit, comme les catholiques, beaucoup de livres de famille, de mémoires, de chroniques – mais aucun journal spirituel. Pourquoi ? Parce que la communauté protestante a été en permanence menacée et que l’histoire immédiate et la survie du groupe étaient plus importantes que le travail individuel de salut ? Ou bien parce que le calvinisme français ne menait pas à ce type de pratique ? Et que les protestants français partageaient avec les catholiques une horreur de l’orgueil et de l’amour-propre qui les écartait de toute culture écrite de soi ? C’est une idée qui vient à l’esprit quand on lit L’art de se connaître soi-même du protestant Jacques Abbadie (1692), même s’il n’y aborde jamais le problème de l’écriture. On pourrait d’abord s’étonner, en effet, en comparant avec ce qui s’est passé dans un pays francophone voisin, la Genève calviniste. En France, rien qui ressemble aux Éphémérides de l’érudit genevois Casaubon (1559-1614), qui tint (en latin) un journal à partir de 1597. En voici le début, que je donne ici en français (en italiques, les passages qui étaient en grec) :

 

Rien au monde n’a plus de prix que le temps, et le stoïcien latin a bien raison de dire que le temps est la seule chose dont on puisse s’honorer d’être avare. Aussi est-ce pour tenir un juste compte d’un bien aussi précieux, et ne jamais subir les coups d’un repentir tardif, que j’ai décidé d’écrire cette éphéméride et de tenir le registre exhaustif de mon temps : ainsi jouirai-je d’un bon placement et rendrai-je grâces au Dieu Très-bon et Très-grand. Ce faisant, s’il se trouvait que j’eusse perdu du temps à ne rien faire ou à me disperser, je le saurais aussi, et je connaîtrais mon infortune ou ma sottise. Je t’adresse donc ma prière, Dieu Très-bon et Très-grand, et dans le temps qu’il me reste à vivre, je consacrerai sans relâche tout mon zèle et mon industrie à progresser dans ta connaissance, à célébrer ton culte sans compter, à rehausser ta gloire, et à soutenir la cause des lettres, non sans œuvrer à mon salut et à celui de tous les miens.

Ainsi donc, sous les auspices du Dieu plein d’excellence et de miséricorde, au début de ma trente-neuvième année, voici comment s’est passée la première journée, le dix-huit février de l’année 1597 de l’Incarnation du Christ.

18 Février. Nous nous levâmes vers la cinquième heure, ou à peine plus tard. Là-dessus, après nous être peigné comme à l’habitude, nous entrâmes au sanctuaire des muses et, ayant adressé à Dieu une prière suppliante, nous restâmes absorbé jusque vers la dixième heure dans la lecture de Suidas. Du déjeuner jusqu’à la quatrième heure, nous nous préparâmes à la leçon qui allait suivre. À la quatrième heure, nous enseignâmes. Dès après le dîner, nous priâmes à nouveau le Dieu trois fois Très-grand trois fois Très-bon et nous fûmes nous coucher. Cependant, à savoir le même jour ou la veille, nous souvenant que Démosthène avait tant de fois, avec mûre raison, copié Thucydide, nous entreprîmes de faire une copie d’un livre des saintes écritures hébraïques. C’était le livre d’Esther.

 

La pratique de Casaubon est, on le voit, très modérée : le souci réaliste de gestion du temps et la référence aux sagesses antiques semblent aussi puissants que le désir de sauver son âme ou le dialogue avec Dieu. Mais ce journal, qui tient de la chronique autant que de la prière, est-il un spécimen d’une pratique répandue à Genève, ou une exception ? Qu’en fut-il ensuite de la pratique du journal dans la Genève des XVIIe et XVIIIe siècles ? Les gens ordinaires, la tante Suzon de Rousseau, le pasteur Lambercier, en tenaient-ils un ? De nouveau, c’est bien difficile à dire : ce qui est sûr, c’est qu’actuellement on ne connaît pas d’autre cas de journal « spirituel » à Genève avant la fin du XVIIIe siècle, et que les livres de piété protestants sont aussi muets sur ce sujet que leurs homologues catholiques. Ce serait une autre enquête à faire que d’expliquer pourquoi, dans la Genève de la seconde moitié du XVIIIe siècle, la pratique du journal personnel semble plus courante (voir Un journal à soi, op. cit., p. 50-53) qu’elle n’est alors en France. Et ce n’est que dans les années 1880, avec la publication d’Amiel et de Benjamin Constant, que la « couleur » protestante viendra au journal francophone. Le journal personnel, tel qu’il s’est développé en France à partir de la fin du XVIIIe siècle ne semble pas devoir grand chose au protestantisme, ni au journal spirituel.


Perspectives

Cette dernière phrase est bien catégorique : il ne faut pas conclure trop tôt. Car l’exploration que j’ai faite m’a confirmé deux points :

L’ignorance définitive où nous sommes devant des pratiques discrètes, qui ont pu ne pas laisser de trace, et surtout notre ignorance, heureusement provisoire, des traces qui existent : l’inventaire des journaux détenus par les archives publiques ou par des archives privées accessibles n’a jamais été fait. Il faut le dire clairement : le journal (et pas seulement le journal spirituel) est encore aujourd’hui en grande partie terre inconnue. Beaucoup de surprises sont à attendre dans les années à venir, quand l’inventaire de l’équipe de Paris-IV se développera, en particulier du côté des manuscrits.

L’incertitude des relations de cause à effet : à partir du moment où on accède à une connaissance précise des réalités, il semble plus important de mener une analyse fine des pratiques et des textes que de spéculer sur des corrélations trop simples qui doivent beaucoup au préjugé et à l’idéologie.

La difficulté principale de cette étude tient à la nature des expériences rapportées, ou évoquées, dans les journaux spirituels : expériences brûlantes ou extrêmes, qu’on peine à comprendre ou à imaginer, et qui souvent ne sont commentées que par des érudits complices : les jésuites éditent les jésuites, les sulpiciens les sulpiciens. Où trouver les ressources d’un regard plus général, moins engagé mais aussi compréhensif ?

Affaire… à suivre.


Bibliographie

Etudes générales

Elisabeth Bourcier, Les Journaux privés en Angleterre de 1600 à 1660, Publications de la Sorbonne, 1976 (III, ch. 1, « Les journaux religieux et l’examen de conscience », p. 353-387).

Henri Brémond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, nouvelle édition, Armand Colin, 1967-1971, 12 vol. ; édition intégrale et augmentée sous la direction de François Trémolières, 2006, Éditions Jérôme Million, 5 volumes sous coffret, 4700 p.

Jean Dagens, Bibliographie chronologique de la littérature de spiritualité et de ses sources (1501-1610), Desclée de Brouwer, 1952.

Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, Beauchesne, 1937-1994, 16 volumes (voir en particulier articles : Autobiographie spirituelle, Direction de conscience, Examen de conscience, Examen particulier, France, Journal spirituel).

L’Écriture du croyant, sous la direction de Louis Châtellier et Philippe Martin, Bruxelles, Brepols, 2005.

Gérard Ferreyrolles, « Éléments de bibliographie », in Littérature et religion, n° 39 de Littératures classiques, H. Champion, 2000.

Georges Gusdorf, Les Écritures du moi et Auto-bio-graphie, Lignes de vie 1 et 2, Odile Jacob, 1991.

Philippe Lejeune et Catherine Bogaert, Un journal à soi. Histoire d’une pratique, Textuel, 2003.


Lettres spirituelles

Jean-Pierre de Caussade, Lettres spirituelles, éd. par Michel Olphe-Gaillard, Desclée de Brouwer, 1962, 2 vol.

Madame Guyon, Correspondance . 1. Directions spirituelles, éd. par Dominique Tronc, H. Champion, 2003.

Olier, Jean-Jacques, Lettres spirituelles de M. Olier, Paris, Gaume frères, 1831.

Bernard Pitaud et Gilles Chaillot, Jean-Jacques Olier, directeur spirituel, Éd. du Cerf, 1998.

Bernard Pitaud, Histoire d’une direction spirituelle au XVIIe siècle, Gaston de Renty, Elisabeth de la Trinité, Éd. du Cerf, 1994.

 

Pratiques cléricales

Le Parfait Missionnaire ou la Vie du R. P. Julien Maunoir de la Compagnie de Jésus, missionnaire en Bretagne, par le R. P. Boschet de la même Compagnie, Paris, 1697.

Claude La Colombière, Écrits spirituels, introduction et notes par André Ravier, Desclée de Brouwer, 1982.

Histoire de la vie du R. P. Ambroise de Lombez, capucin de la province de Guyenne, par le R. P. Léonard, d’Auch, religieux du même ordre, Toulouse, 1787.

Pierre de Clorivière, de la compagnie de Jésus (1735-1820), d’après ses notes intimes de 1763 à 1773, publiées par le P. Monier-Vinard S. j., Éd. Spes, 1935, 2 vol.

François Morlot, Pierre de Clorivière 1735-1820¸ Desclée de Brouwer, 1990 (chapitre 4, Le mystique, p. 41-54).

 

Premiers Jésuites

Pierre Favre, Mémorial, traduit et commenté par Michel de Certeau, Desclée de Brouwer, 1960.

Ignace de Loyola, Écrits, traduits et présentés sous la direction de Maurice Giuliani, Desclée de Brouwer, 1991 ; Journal des motions intérieures, édition critique et nouvelle traduction des manuscrits autographes par Pierre-Antoine Fabre, Bruxelles, Éditions Lessius, 2007.

Jérôme Nadal, Contemplatif dans l’action. Écrits spirituels ignatiens (1535-1575), Desclée de Brouwer, 1994.

 

Saint-Sulpice

Thierry Bourgeois, Approches de la mentalité spirituelle d’une dévote parisienne aux temps de la Réforme catholique (à travers le journal de Marie Rousseau), thèse de 3ème cycle, Université Paris IV, 1983, 2 vol.

Alexandre de Bretonvilliers, Mémoires sur la vie de M. J. J. Olier, s.l.n.d.

Étienne-Michel Faillon, Vie de M. Olier, Paris, Vattelier, 1873, 3 vol.

Bernard Pitaud, Petite vie de Jean-Jacques Olier, Desclée de Brouwer, 1996.

 

Protestantisme

Jacques Abaddie, L’Art de se connaître soi-même, ou la recherche des sources de la morale (1692), Fayard, 2003.

Gildas Bernard, Les Familles protestantes de France, XVIe siècle-1792, Guide des recherches biographiques et généalogiques, Archives Nationales, 1987, 699 p.

Isaac Casaubon, Ephemerides Isaaci Casauboni, ed. John Russel, Oxford, 1850, 2 vol.

Michel-Edmond Richard, la Vie des protestants français de l’édit de Nantes à la Révolution  (1598-1789), Éditions de Paris, 1987.